L’arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2012, par laquelle elle rappelle que « les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels » (Chambre sociale, 10 mai 2012, 11-13.884), offre l’occasion de revenir sur la question de l’accès de l’employeur à la correspondance de ses salariés.
Dans l’entreprise, l’application du secret des correspondances aux courriers électroniques du salarié a permis à la jurisprudence de poser une présomption de professionnalité des courriers électroniques échangés via les outils informatiques de l’entreprise. A défaut de mention indiquant le caractère personnel du message, les courriels émis ou reçus par le salarié sont présumés professionnels, de sorte que l’employeur peut les ouvrir sans risquer de commettre une atteinte au secret des correspondances, et ce même hors la présence du salarié.
Pour autant, la question se pose régulièrement de savoir si le contrôle des courriels professionnels du salarié doit respecter un quelconque formalisme, aucune procédure n’étant imposée par la loi. En pareille matière, l’huissier de justice sera à même de vous assister dans cette situation complexe, où le délit de « violation de la vie privée » peut se dissimuler derrière un simple clic de souris.
Il faut distinguer deux hypothèses : 1/ Cas où il faut prouver que la messagerie professionnelle est utilisée à titre personnel ; 2/ Cas où il faut prouver le contenu litigieux du message personnel.
Dans la première hypothèse, il est tout à fait possible de prouver qu’une messagerie professionnelle est utilisée à des fins personnelles, en violation de la charte informatique de l’entreprise. Dans ce cas, l’huissier constatera, en dehors de toute prise de connaissance du contenu de la correspondance, la fréquence et le nombre de messages échangés à des fins personnelles et identifiés comme tels (Cons. prud’h. Angers, 30 janv. 2009, G. c/ AGC Maine-et-Loire1). Le contrôle ne portera donc pas sur le contenu des messages personnels, mais sur leur quantité et éventuellement les horaires d’envoi et de réception.
Très récemment, la jurisprudence a donc jugé qu’un salarié qui transfert de sa boîte aux lettres électroniques professionnelle vers son adresse personnelle des emails de l’entreprise contenant des données confidentielles commet une faute grave justifiant son licenciement » (CABordeaux, 27 mars 2012, Pierre B. / Epsilon Composite).
La seconde hypothèse appelle à de plus longs développements. En effet, accéder au contenu de messages du personnel, même en présence d’un Huissier de justice, est une question qui se pose avec davantage d’acuité.
Toute la difficulté naît de la définition du message personnel, celle-ci étant d’autant plus ardue que cette détermination doit se faire a priori… Il a été, défini par la jurisprudence comme celui de « qualifié de personnel ou pouvant, de par son classement, être considéré comme tel ». Le flou de cette définition est source d’insécurités juridiques progressivement levées par les juges, dont nous retiendrons les décisions les plus emblématiques :
Un message dont le contenu tient à la fois de la sphère privée et professionnelle est-il professionnel ? La Cour de cassation a tranché la question en 2011 en posant la règle selon laquelle ce message est professionnel, et que l’employeur peut donc y avoir accès sans commettre le délit d’atteinte à la vie privée (Soc, 02 février 2011, Securitas France/X) ;
Le contenu personnel d’un message peut-il fonder une sanction disciplinaire ? La chambre sociale a énoncé en 2011, confirmant sa position antérieure, que “le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que si l’employeur peut toujours consulter les fichiers qui n’ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut les utiliser pour le sanctionner s’ils s’avèrent relever de sa vie privée” (Cass. soc., 5 juill. 2011, n° 10-17.284, FS-P+B+I).
Le fichier intitulé Mes documents est-il personnel ? A cette interrogation, la Cour de cassation a, le 10 mai 2012, répondu négativement en usant des termes suivants « la seule dénomination “Mes documents” donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel » (références citées précédemment).
Les initiales du salarié suffisent-elles à conférer un caractère personnel au message ? Là encore, la Cour de cassation a répondu par la négative, donnant une force supplémentaire au principe de professionnalité des messages (Soc, 21 octobre 2009, Jean Michel X… / Seit Hydr’Eau)
Cette succession de décisions amène à s’interroger sur le fait de savoir si seuls les messages dont l’objet est “personnel” ou “privé” sont des messages personnels. Afin d’éviter de tomber dans une dangereuse casuistique, il est conseillé de suivre les instructions de la CNIL qui, dans son avis du 12 mars 2012, recommande de porter à la connaissance des salariés le principe retenu pour différencier les e-mails professionnels des e-mails personnels (qualification par l’objet, création d’un répertoire spécifique dédié au contenu privé, etc.). Afin de se prémunir contre tout usage abusif d’un tel classement, la charte informatique peut prévoir l’interdiction de requalifier des messages professionnels en messages personnels. Une charte informatique bien rédigée permettra donc d’éviter l’épée de Damoclès que constitue le délit de violation de correspondance privée…
Les développements précédents ont permis de cerner la distinction message personnel/message professionnel. La question porte maintenant sur la possibilité de prendre connaissance du message personnel.
Il ne faut pas déduire des précédentes lignes que le message personnel est une forteresse inviolable, car tout droit est susceptible d’abus. En effet, il existe une solution juridique qui permettra d’en prendre connaissance en toute sécurité juridique : l’ordonnance sur requête. Pour ce faire, il conviendra de solliciter du Juge saisi sur requête (procédure unilatérale, donc à l’insu de la partie adverse) l’autorisation pour l’huissier de justice d’accéder à ces messages et d’en dresser procès-verbal.
Les précautions à prendre dans la rédaction de la requête ne sont pas à négliger, puisque l’Huissier de justice doit avoir une mission claire et non interprétable par la partie adverse qui en aura connaissance. Le respect de ces précautions assurera la sécurité juridique de toutes les parties à la procédure, puisqu’il faut que le libellé de la mission interdise toute hésitation : si la requête oscille entre deux interprétations, alors la force de l’Huissier de justice vacille.
Si l’urgence de la situation est telle qu’il n’est pas possible de procéder de la sorte, l’huissier se proposera de placer sous séquestre l’ordinateur professionnel, jusqu’à ce que le juge autorise les investigations.
Vous pouvez consulter l’un des huissiers de justice de notre compagnie pour obtenir de plus amples informations.